«Ces merveilleux chatons du pin en fleurs»
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Hier le 1er mai. Journée de lutte, défilé obligatoire des anciennes républiques socialistes, une journée porteuse d'espoir ou illustration des rêves brisés. Cortèges courageux, joyeux, ou conventionnels, fête absente dans un pays occupé, procession de routine, oublieuse des exigences passées, le 1er mai a tant d'aspects.
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En hommage à une femme remarquable qui aimait la vie comme elle aimait la liberté, un texte extrait de sa correspondance.
On connaît les combats de Rosa Luxembourg. C'était aussi une femme éprise de littérature, de peinture et de botanique. Ses lettres à Sonia Liebknecht ont été éditées sous le titre Lettres de prison.
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Breslau, le 12 mai 1918
Sonitschka, votre lettre m'a donné tant de joie que je vous réponds sur le champ. Vous voyez le plaisir et le réconfort que vous procure une visite au Jardin botanique. Pourquoi n'en profitez-vous pas plus souvent ? Et je prends part à votre plaisir quand vous me décrivez aussitôt vos impressions avec tant de vivacité et de couleur ! Oui, je connais ces merveilleux chatons du pin en fleurs, qui sont d'un rouge rubis. Ils sont d'une telle beauté, comme la plupart des plantes en pleine floraison, que l'on a peine à en croire ses yeux. Ces chatons rouges sont les fleurs femelles dont naîtront les grandes pommes de pin, si lourdes qu'elles retournent leurs pointes vers le sol. À côté se trouvent les chatons mâles, peu apparents, qui sont d'un jaune pâle et qui répandent leur pollen doré.
Je ne connais pas le « pettoria » que vous décrivez comme une sorte d'acacia. Voulez-vous dire qu'il a les feuilles pennées et des fleurs papilionacées, comme l'arbre que l'on nomme « acacia » ? Comme vous devez le savoir, l'arbre que l'on appelle vulgairement ainsi n'est pas un acacia, mais un « robinier ». Le mimosa, par exemple, est un véritable acacia ; il a des fleurs d'un jaune soufre et embaume l'air, mais je ne pense pas que le mimosa pousse en plein air à Berlin, car c'est une plante des pays chauds.
Je ne connais pas le « pettoria » que vous décrivez comme une sorte d'acacia. Voulez-vous dire qu'il a les feuilles pennées et des fleurs papilionacées, comme l'arbre que l'on nomme « acacia » ? Comme vous devez le savoir, l'arbre que l'on appelle vulgairement ainsi n'est pas un acacia, mais un « robinier ». Le mimosa, par exemple, est un véritable acacia ; il a des fleurs d'un jaune soufre et embaume l'air, mais je ne pense pas que le mimosa pousse en plein air à Berlin, car c'est une plante des pays chauds.
En Corse, j'ai vu sur la place d'Ajaccio de merveilleux mimosas qui fleurissaient au mois de décembre, c'étaient des arbres immenses... Ici, je ne peux malheureusement voir le feuillage des arbres que de loin, de ma fenêtre, et j'aperçois leurs cimes par-dessus le mur. J'essaie d'en deviner l'espèce par la forme et la couleur, et je crois que, dans l'ensemble, je ne me trompe guère.
.L'autre jour quelqu'un a apporté une branche cassée dont la forme étrange a surpris tout le monde. On s'interrogeait sur sa provenance. C'était une branche d'orme. Souvenez-vous, je vous ai montré dans la rue du Südende des ormes couverts de petits fruits d'un rose pâle légèrement verdâtre. C'était aussi au moi de mai, et vous avez été enthousiasmée par cet extraordinaire spectacle. Ici, les gens habitent depuis des dizaines d'années dans des rues plantées d'ormes, mais ils n'ont jamais observé ces arbres en fleurs... Et ils ne s'intéressent pas davantage aux animaux. Au fond, la plupart des citadins sont de véritables barbares... »
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Rosa Luxembourg
.Lettres de prison. Traduit par Michel Aubreuil. Éditions Bélibaste.
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4 commentaires:
Une erreur et trois soucis et cette page a été éditée trois fois.
Je présente mes excuses à ceux qui sont informés par mél des nouveaux textes.
la spameuse du samedi,
fraîchement repentie
au sortir d'une bagarre avec les intervalles
Elle se prénommait Rosa...
Rêves et révolutions : mêmes racines.
29 mai, lu dans la presse belge :
http://www.lesoir.be/actualite/monde/le-cadavre-de-rosa-luxemburg-2009-05-29-709323.shtml
C'est dur de le lire ainsi. Et le ton de cet article, comme si elle n'était rien, comme si l'assassinat était une chose normale.
Faut-il partager les opinions de quelqu'un pour percevoir sa valeur ? Les luttes ne sont rien ? Quelles servent de tremplin à la médiocre ambition de certains, qu'elles soient trahies autorise-t-il ce mépris ?
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