La botanique des dames
Manet : Lettres à Isabelle, Méry et autres dames
À Donna d'Éoliennes, qui d'un question m'apprit une fonction.
«Rien ne saurait, en effet, mieux s'allier que la femme et les fleurs ; aucune harmonie n'est plus suave et plus gracieuse ; la femme qui s'est toujours vue représentée par une fleur, dans tous les temps, dans tous les pays, par tous les poêles [un typographe distrait ?], la femme qui n'est que dévouement et amour, comment n'aimerait-elle pas ces êtres délicats comme elle, comme elle doués d'un beauté ravissante et d'une grâce enchanteresse, ces êtres qui demandent, comme ses enfants, les soins de tous les moments et l'attention la plus soutenue. »
On me pardonnera cette publicité tapageuse. La modestie figurant au nombre de nos merveilleuses qualités, le lecteur peut imaginer comme il m'en a coûté de citer.
Ce passage est extrait d'un discours prononcé le 11 mars 1858 par Monsieur Charles Morren à la Société Royale d'Horticulture de Liège. Il en était alors le Président honoraire.
Si son langage reflète les perceptions d'une époque, on admettra qu'il existe préjugés moins tendres.
Sous les mots fleuris : une reconnaissance. Un botaniste salue l'apport des femmes à une science qui adopta longtemps avec elles une attitude ambiguë. Elles n'étaient pas tenues à l'écart de son étude, mais n'y avaient qu'une place d'invitées. Invitées à partager un savoir, mis à leur portée, parfois simplifié. Comme on adapte un récit complexe à l'intelligence d'un enfant ?
Tels étaient les usages.
(Suite...)
Tels étaient les usages.
(Suite...)
Quelques titres qui relèvent de cet esprit : La Botanique pour les femmes et les amateurs de plantes de Charles Batsch (1799), puis au XIXe siècle L'herbier Des Demoiselles Ou Traité Complet De La Botanique d'Edmond Audouit, la Botanique moderne des Dames du Comte Foelix.
Avant d'avoir accès officiellement à la botanique tout court, nous dûmes franchir quelques obstacles. Saut de haie réussi : en 1871 les cours de botanique donnés à la faculté des sciences de Nancy seront ouvert à tous, « même aux Dames » Pourtant les femmes utilisaient leur connaissance des plantes depuis l'antiquité. Craintes qu'inspirait un «bel esprit» s'il était celui d'une femme, doutes quant à notre intelligence et nos capacités d'abstraction ? Textes, prétextes et opinions affichés en témoignent.
Qu'importe aux habituées des chemins de traverse. La prenant au mot, nous avions donné depuis belle lurette ses lettres de noblesse à l'École buissonnière.
C'est ce parcours que retrace Nicole Biagioli au cours d'un colloque dont les actes sont publiés sur la toile :
Les botaniques des dames, badinage précieux ou initiation scientifique ?
« Les Botaniques des dames sont des ouvrages de vulgarisation réservés à un public féminin.
Fidèles aux principes et aux préjugés de Rousseau sur l’éducation des filles, elles dissimulent une présentation scientifique rigoureuse du système de Linné sous des apparences frivoles et galantes. En particulier elles abusent des figures de style qui associent les femmes aux fleurs. Cependant, malgré l’ambiguïté de leur discours, on peut penser qu’elles sont un maillon important de la chaîne des causes qui ont entraîné la promotion des femmes dans les métiers artistiques et scientifiques liés à l’expansion de la science botanique du XIXe au XXe siècle. »
Pour accéder au texte, voir lien en bas de page.
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Ouvrages cités :
- Édouard Manet, lettres à Isabelle, Méry et autres dames.
Albert Skira (1985)
- L'herbier Des Demoiselles Ou Traité Complet De La Botanique
- Botanique moderne des Dames et Horticulture des Dames
Comte Foelix. G de Gonnet éditeur, Paris 1847 .
Sur la toile :
- Discours prononcé le 15 mars 1858 à Société Royale d'Horticulture de Liège par M. Charles Morren, président honoraire de la Société.
- Article de François Le Tacon : Emile Gallé, la botaniquet les idées évolutionnistes à Nancy à la fin du XIXe siècle. Y est cité le procès-verbal de la Commission du jardin des Plantes de Nancy annonçant que les cours de botanique s'adressent « même aux femmes ».
- Nicole Biagioli : Les botaniques des dames, badinage précieux ou initiation scientifique ? Actes du Colloque «Women in the middle», Women in French - Fourth International Conference, Fort Worth, University of North Texas, April 10-12, 2008.
- Article de François Le Tacon : Emile Gallé, la botaniquet les idées évolutionnistes à Nancy à la fin du XIXe siècle. Y est cité le procès-verbal de la Commission du jardin des Plantes de Nancy annonçant que les cours de botanique s'adressent « même aux femmes ».
- Nicole Biagioli : Les botaniques des dames, badinage précieux ou initiation scientifique ? Actes du Colloque «Women in the middle», Women in French - Fourth International Conference, Fort Worth, University of North Texas, April 10-12, 2008.
8 commentaires:
Je retiens la dernière phrase du "maillon" fleuri... merci pour ce billet !
Pauvre Donna qui "d'une question m'apprit une fonction"...
mais qui, malgré plusieurs réponses et précisions de votre, en est malheureusement elle-même encore incapable...
... et fort marrie :-(
ô ô
Je suis à peu près certaine qu'il vous suffit d'ajouter (manuellement) un code
... et de vérifier si cela fonctionne en consultant la page générale du blog, non celle de l'article entier, où bien sûr rien n'apparaît.
Permettez Mesdames, à un Monsieur de rendre hommage à une vraie botaniste dans une période plus récente
Monsieur, vos visites sont toujours un bonheur.
Merci pour cet enseignement. Sur votre belle Bouriane on peut lire la présentation d'un ouvrage d'Aimée Camus : Les Fleurs des Marais, Lacs et étangs
Je découvre avec plaisir un blog et un univers que je ne connais pas... Cet article m'a intriguée avant de m'intéresser beaucoup.
Mon nom est associé à une fleur que j'exhibe sur mon blog...;)!!
Et on retrouve votre prénom dans le nom d'une très jolie fleur : l'anémone des bois, dite aussi anémone sylvie
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