vendredi, mai 29, 2009

Promenade

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Près de 6h au soleil. Toute fin d'après-midi. Les ombres se sont allongées. Le contraste ombre et lumière s'est adouci. Dans un champ des semis en chevron. Les fleurs au loin, dans la haie qui le sépare du champ voisin, sont sans doute celles d'un églantier. Le jeu des jours plus longs avant le solstice.
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Une odeur de foin. Juin si proche. Si la flore de la prairie s'est apauvrie elle n'en reste pas moins attachante. Des trèfles violets, de nombreuses graminées cachant presque une unique marguerite. Prière de ne pas déranger.
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Darwin et la botanique, conférences et expositions à Paris

Portrait du grand homme en rosier odorant (D. Austin)
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De nombreuses manifestations sont organisées pour fêter Darwin. Certaines s'attachent à un aspect important de ses études et de son œuvre : la botanique. À Paris, à partir du 29 mai : 

« Charles Darwin et la botanique »
au jardin des Serres d’Auteuil
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« Le Chemin de l’évolution » du règne végétal
au parc Floral de Paris
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« Espèces invasives »
dans l’arboretum de l’École Du Breuil *
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À noter : il a fallu attendre la fin du XXe siècle pour que soit entreprise, pour la première fois en français, aux Éditions Sladkine, la publication des œuvres complètes de Charles Darwin
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«Le public francophone est presque totalement privé des textes fondamentaux de Darwin. En dehors de L’Expression des émotions, qui a fait l’objet de deux éditions dans la période récente, ne sont couramment accessibles que L’Origine des espèces et une version dépouillée du Voyage d’un naturaliste, dans des traductions du XIXe siècle bien éloignées de répondre aux exigences de rigueur qui doivent normalement présider à l’exercice très particulier de restitution d’un grand texte scientifique**. »
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Des biographies fiables de sir Charles ? Il faudrait que je pose la question...
En attendant «L'encyclopédie» wikipédia est là pour vous divertir. J'ai goûté le sommaire d'un des articles. Si la première partie est sobrement consacrée à l'Enfance, la quatrième a pour titre : Surmenage, maladie et mariage . Oh dear, que d'épreuves !
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* Le programme détaillé est très facile à trouver.
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** Publication sous la direction de Patrick Tort, Directeur de l'Institut Charles Darwin International et professeur détaché au Muséum National d’Histoire Naturelle. Sur le site Futura Sciences, plus d'informations sur cette édition. C'est ici. Attention : ne pas confondre avec le site du Parc de la Villette.
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mercredi, mai 27, 2009

Au Jardin du Luxembourg, la Liberté a fait deux pas...

. Merci à Aubade pour ces photos
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Petits pas pour une statue, pas invisibles pour l'humanité ? Cette Liberté éclairant le monde se cache sous les ombrages d'un jardin splendide. Présentée à l’exposition universelle de 1900, elle trouva place au Luxembourg en 1905. .
Au printemps de cette année, du 11 avril au 10 mai, elle a rejoint le Jardin d'Acclimatation. Symbole inquiétant ?
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Ce n'était pas le but recherché. Officiellement elle participait à une fête : «Des Américains à Paris». Durant quelques semaines, des manifestations pour évoquer l'Amérique. Et Gene Kelly ? Et Gershwin ? Je ne sais, mais on y dansait aussi.
Pour cet April in Paris, une voix unique : celle de Billie Holiday
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mardi, mai 26, 2009

Quelques graines de l'autre côté de la haie

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.Un espace entre des maisons. Des arbres, de l'herbe et un chemin pour les voitures. Qui a joué à semer quelques graines au pied de cet arbre ?

Graines de lychnis et d'eschscholzia. . Curieusement ces dernières ont été introduites sous leur nom botanique. Alors qu'il est si souvent ignoré, et c'est dommage, cette plante a été choisie pour rompre la tradition. Pour intimider ? Non, ce n'est pas imprononçable. Oui il est sage de vérifier l'orthographe. Ces fleurs aux pétales jaune orangé si gai ont un nom vernaculaire : pavots de Californie. .

Lychnis coronaria, Eschscholzia californica, taches de couleur un jour de pluie. Et ce geste : offrir des fleurs au regards de tous. Il faudrait toujours avoir quelques graines au fond de ses poches. .
Les hommes furent si utiles autrefois avec leurs pantalons à revers*. Le pli intérieur* servait de réserve. Involontaire mais efficace. Mais non ce n'est pas une critique de genre, comme on dit si affreusement. Juste une ébauche de rubrique 'mode'.
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* corrigé grâce à Donna.

dimanche, mai 24, 2009

L'art subtil du camouflage

. . Non ce n'est pas un billet à la gloire des armées. Deux mouvements d'aile ont suffit à ce papillon pour démontrer la supériorité de son espèce sur la mienne en la matière. Il s'est posé en biais sur le pied d'une lampe, ce qui le rend plus visible. Imagine-t-il les humains distraits ? . .

'Old Blush', beau rosier de Chine

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« Lorsqu'en 1767 Nikolaus Joseph Von Jacquin définit l'espèce Rosa chinensis Jacq. dans son ouvrage Observationes Botanicarum (on y trouve d'ailleurs la toute première illustration de cette rose dans la botanique occidentale), il le fait à partir de plantes à floraison perpétuelle cultivées de haute tradition en Chine, les "roses de tous les mois" ou "Monthly Roses" pour les Anglais (des variétés proches ou identiques à 'Old Blush', 'Slater's Crimson China', ...). » Source : Botarosa
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Détour généalogique et prudent pour un rosier dont l'origine a inspiré bien des contes. Mais c'est aussi l'un des charmes des roses anciennes. Ramené de Chine par un voyageur qui y musardait en 1789. Décalé ? Non, Anglais. Introduit par un promeneur-botaniste danois ou norvégien dans le Nord de l'Europe. Ce sont les deux variantes que j'ai le plus souvent rencontrées. Une certitude : 'Old Blush' est cultivé en Europe, de façon connue, depuis le XVIIIe siècle. .

Rosier léger et gracieux, aux fleurs semi-doubles, à mi-chemin entre le rosier sauvage et les sophistications à venir. Il portait avec lui un caractère précieux : il s'agissait d'une variété remontante.

Plusieurs floraisons dans l'année : 'Old Blush' l'interprète généreusement. Il est le premier et le dernier à fleurir. Si l'hiver tarde, il offre des fleurs jusqu'à Noël. Deux, trois, ce ne sont pas les floraisons de mai. Mais toujours une fête.
Du rose pâle au rose vif, elles mesurent environ 5 cm. Elles forment des bouquets légers. Sur l'arbuste. Pour les utiliser en fleurs coupées, il faut s'adapter. Elles ont très souples. À glisser dans un bouquet serré, avec des fleurs sauvages et d'autres roses.
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mercredi, mai 20, 2009

Les Jardins de l'Hôtel Saint-Aignan, le Jardin Anne Frank

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Photo : dossier de presse de la Mairie de Paris

C'est dans ce jardin qu'à été planté un jeune sujet issu du marronnier d'Anne Frank. En juin 2007. Une photo montre Bertrand Delanoë, Maire de Paris, et Pierre Aidenbaum, Maire du IIIe, penchés sur un arbre qui doit être haut de quarante centimètres.

Droit et fin, un très jeune arbre. . Il a été planté dans la première partie du jardin, celle que l'on découvre en arrivant de l'impasse Berthaud. Une autre parcelle est aménagée à la façon d'un verger, fleuri de plantes vivaces. On peut marcher sur ses pelouses. Un espace pour les jeux et les rires d'enfants.
La parcelle située près de l'Hôtel Saint-Aignan, Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme,  existe depuis le XVIIe siècle.
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Juin 2007. Ce printemps-là le MAHJ, offrait une exposition splendide dont je suis encore éblouie : Rembrandt et la Nouvelle Jérusalem, Juifs et Chrétiens à Amsterdam au Siècle d'or.
L'Amsterdam des libertés et l'Amsterdam des monstruosités. Ce printemps là, quelques pas vers un jardin et une étrange traversée des siècles.

 
En écho sur le chemin une phrase du Journal d'Anne Frank :
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20 juin 1942
« Les juifs n’ont plus le droit de se tenir dans un jardin chez eux ou chez des amis après huit heures du soir... »

20 juin 2007
Un arbre continuera de vivre, car lui eut droit à une descendance. Quelque part à Amsterdam, un arbre malade échappe à la disparition. Par le regard et les mots d'une adolescente. Ils le firent unique. Sauvé par elle à qui les jardins furent interdits, la vie refusée. Parce que née juive.
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Un arbre jeune et fin, cinq feuilles déployées au soleil de juin. Il dit ce qui n'adviendra jamais, il dit cette Europe à jamais privée d'une partie d'elle-même.
Et pourtant, il dit la vie. Comme elle, infiniment précieux. Émouvant, fragile encore. Porteur de mémoire comme des fruits à venir. La beauté du monde enclose dans un tronc mince comme une branche, les promesses d'ombrage dans des feuilles qui s'ouvrent en couronne. Couronne joyeuse de roitelet. Oui, il dit un prodige qui se nomme vie.
.I
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samedi, mai 16, 2009

Un arbre en ville

La photo a été prise il y a deux ans. Sans doute a-t-il perdu cet air délicat. Lumière d'un après-midi de mai. En début de mois ?

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jeudi, mai 14, 2009

Graines d'excuses...

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J'ignore pourquoi, quand je publie un billet il arrive aux intervalles de varier. Entre les lignes, un espacement ou un autre. Parfois aucun espace entre les paragraphes, alors que la fonction correcte est activée.
D'où plusieurs publications d'un même texte. Entre deux batailles. Pour obtenir ce qui me plait. Ce doit être exaspérant pour ceux qui sont abonnés au flux.
Désolée. Je ne peux que leur présenter des excuses. Et tâcher d'être moins distraite, de ne pas me tromper de touche. Oui, cela ressemble à une promesse électorale, j'avoue. Dépasserai-je le stade 'Mystère et boule de gomme' ? Hasardeux de m'y engager...
Quelle avanie ♪♪♪ !
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mardi, mai 12, 2009

Les lamiers fleurissent

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Seule demeure la variété sauvage ? Je ne vois plus de traces argentées sur le feuillage. Ils sont mêlés aux reines-des-prés, qu'il faudra diviser. Deux ou trois pieds prélevés dans la campagne et qui se sont multipliés.
Sur les alliaires : quelques pétales encore. Mais les siliques sont bien formées.

samedi, mai 09, 2009

Fragaria vesca et cie

Tableau d'Otto Diderik Ottesen
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Fragaria vesca, la savoureuse fraise des bois, était connue en Europe bien avant qu'Amédée-François Frézier ne rapporte du Chili une nouvelle espèce. Malgré son nom prédestiné et son bel habit rouge, il ne présida pas au baptême. On dit qu'il arrosa soigneusement ses plants pendants la traversée. Jardinier plus attentif aux végétaux qu'aux hommes ? L'eau était précieuse, et comptée. ..

Pour goûter de véritables fraises des bois... il suffit d'aller les cueillir, d'en prélever quelques pieds. Pour ne pas oublier leur parfum. La Mara des Bois et la Ciflorette sont obtentions qui s'en approchent le plus. À vérifier...

Il existe des centaines de variétés de fraises. Récolte abondante en juin, ou échelonnée jusqu'aux premières gelées, on peut choisir et le cumul est autorisé. Pour les plantations en pot ou en jardinière, choisir un terreau riche.
Manger en hiver les curieuses productions qui nous sont proposées ? Ces choses qui tentent de rivaliser avec les tomates par la taille et avec l'eau par le goût ? À réserver à ceux qui aiment les desserts mélancoliques, les dîners où l'on s'ennuie, les baillements maîtrisés. Harmonie assurée.

Si vous savez où l'on peut trouver Hercule, La Brillante, Perle de Prague, Gloire de Lyon, Profusion, indiquez-le au webmaster d'un site consacré aux fruits : pommiers.com. Pour compléter une page riche en informations. C'est ici.
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Sur les talus et dans les haies : les stellaires

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Elles fleurissent depuis un mois. Légères, sur leurs tiges courbées à la base puis se redressant. Elles sont groupéees en bouquets souples ou forment de véritables tapis. .
La stellaire holostée, Stellaria holostea, est commune en France. À l'exception des zones méditerranénnes. Elle est présente dans toute l'Europe, au delà de l'Oural. Elle pousse sur les talus et dans les haies, mais on la trouve aussi près des ruisseaux, des fossés, comme dans les bois ou à leur lisière.
. . Un de ses noms vernaculaires : fleur de satin. Pour l'éclat velouté de ses pétales. Nos ancêtres étaient plus lyriques. Ainsi ce texte qui la décrit :
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« (...) au bord des bois, sur les pelouses, le long des chemins, &c. qu'elle embellit au premier printemps par l'abondance de ses fleurs d'un blanc de lait. Il semble qu'elle concourt, par sa fraîcheur, à la douceur des sentimens qui affluent à cette époque de l'année dans les ames sensibles, gonflent le cœur des amans de la nature. » .
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Extrait du Nouveau dictionnaire d'histoire naturelle appliquée aux arts. Principalement à l'Agriculture et à l'Economie rurale et domestique : par une société de naturalistes et d'agriculteurs.
Ouvrage édité l'an XI - 1803.

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vendredi, mai 08, 2009

« Ils allaient si mal avec cette beauté lumineuse et fragile de Paris »

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Lundi 8 juin 1942

. « Il fait un temps radieux, très frais – un matin comme celui de Paul Valéry. Le premier jour aussi où je vais porter l’étoile jaune. Ce sont les deux aspects de la vie actuelle: la fraîcheur, la beauté, la jeunesse de la vie, incarnée par cette matinée limpide – la barbarie et le mal représentés par cette étoile jaune. » .


. Samedi 30 octobre 1943

« Je voulais encore marcher ; et à nouveau la Seine m'a attirée. Je ne suis pas descendue sur la berge, mais j'ai suivi le cours la Reine, en longeant le parapet, et en marchant dans les feuilles mortes odorantes. Le soleil avait percé et le ciel était bleu. Il y avait une débauche d'ors, les dernières feuilles de marronniers étaient de cuivre, l'herbe des pelouses d'un vert d'émeraude, le ciel pur, lumineux, léger, le parfum tenace des feuilles froissées, et partout dans l'air la saveur un peu âcre et si automnale des feux de feuilles mortes. La Seine pailletée de lumière, c'était d'une beauté irréelle, fragile, splendide. Place de la Concorde j'ai croisé tant d'Allemands ! avec des femmes, et malgré toute ma volonté d'impartialité, malgré mon idéal (qui est réel et profond), j'ai été soulevée par une vague non pas de haine, car j'ignore la haine, mais de révolte, d'écœurement, de mépris. Ces hommes-là, sans le comprendre même, ont oté la joie de vivre à l'Europe entière. »


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« J’ai voulu, un après-midi, suivre ces mêmes rues pour mieux me rendre compte de ce qu’avait pu être la solitude d’Hélène Berr. La rue Claude-Bernard et la rue Vauquelin ne sont pas loin du Luxembourg et à la lisière de ce qu’un poète appelait «le continent Contrescarpe», une sorte d’oasis dans Paris, et l’on a de la peine à imaginer que le mal s’infiltrait jusque-là. La rue Edouard-Nortier est proche du bois de Boulogne. Il y avait sûrement en 1942 des après-midi où la guerre et l’Occupation semblaient lointaines et irréelles dans ces rues. Sauf pour une jeune fille du nom d'Hélène Berr, qui savait qu'elle était au plus profond du malheur et de la barbarie: mais impossible de le dire aux passants aimables et indifférents. Alors, elle écrivait un Journal. Avait-elle le pressentiment que très loin dans l'avenir, on le lirait ? Ou craignait-elle que sa voix soit étouffée comme celle des millions de personnes massacrées sans laisser de traces ? Au seuil de ce livre, il faut se taire maintenant, écouter la voix d’Hélène et marcher à ses côtés. Une voix et une présence qui nous accompagneront toute notre vie. »

Patrick Modiano
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Le Journal d'Hélène Berr a été édité aux Éditions Tallandier.
Préface de Patrick Modiano.
Texte suivi de Hélène Berr, une vie confisquée, par Mariette Job

jeudi, mai 07, 2009

Jardins de couleur : Chaumont 2009

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Sur le thème de la couleur, Chaumont propose son 18e festival. Avec pour président un historien au nom rêvé : Michel Racine. Et parmi les participants : Armelle Renard, Anne-Fleur Aronstein, Florence Mottes, Alvaro De La Rosa Maura et Chilpéric de Boiscuillé.
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Le Festival est si bien présenté dans son dossier de presse que c'est une invitation à la paresse. Pour en savoir plus, suivez le lien contenu dans les lettres colorées ! .

mardi, mai 05, 2009

L'Observatoire Des Saisons

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« Les plantes comme les animaux sont sensibles aux variations de température et à la durée du jour (photopériode). Ainsi les différentes étapes du développement d’une plante sont déclenchées en fonction des changements de température et de photopériode. Le cycle biologique de la végétation et de la faune est donc fonction des saisons. »
C'est ce rythme saisonnier que l'ODS vous propose de suivre. Observer le vivant, en compagnie de chercheurs. Il est possible de participer :
« Selon un protocole simple établi par des chercheurs et des médiateurs scientifiques, ne demandant ni connaissances préalables, ni matériel spécifique, vous établirez des relevés sur la flore et la faune, élaborerez une démarche scientifique, et traiterez vos observations.»
Comme l'a annoncé Tela botanica : La première lettre de l’Observatoire des Saisons sort avec le muguet. Vous la trouverez, comme toutes les informations utiles, sur le site de l'ODS.

Bouquet improvisé au pied d'un arbuste

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Une branche de l'oranger du Mexique touche le sol. L'herbe si proche de l'arbuste n'est pas tondue. Deux fleurs sauvages et voilà un bouquet. Le soir, quand la journée a été chaude, il y a déjà ce lourd parfum de fleurs blanches.
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lundi, mai 04, 2009

Feuillages au jardin, les iris

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Leur floraison est achevée. Les hampes florales ont été coupées. Ce sont des iris divisés l'été dernier. Ils n'ont pas encore atteint leur taille adulte.
Mais leur feuillage a déjà ce mouvement qui fait songer à un tableau du Douanier Rousseau.
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Plus loin, caché sous les branches d'un arbuste, un plant de fraisier. D'où est-il venu ? Une certitude : je ne suis pas la seule à l'avoir remarqué.

samedi, mai 02, 2009

«Ces merveilleux chatons du pin en fleurs»

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Hier le 1er mai. Journée de lutte, défilé obligatoire des anciennes républiques socialistes, une journée porteuse d'espoir ou illustration des rêves brisés. Cortèges courageux, joyeux, ou conventionnels, fête absente dans un pays occupé, procession de routine, oublieuse des exigences passées, le 1er mai a tant d'aspects.
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En hommage à une femme remarquable qui aimait la vie comme elle aimait la liberté, un texte extrait de sa correspondance.
On connaît les combats de Rosa Luxembourg. C'était aussi une femme éprise de littérature, de peinture et de botanique. Ses lettres à Sonia Liebknecht ont été éditées sous le titre Lettres de prison.
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Breslau, le 12 mai 1918


Sonitschka, votre lettre m'a donné tant de joie que je vous réponds sur le champ. Vous voyez le plaisir et le réconfort que vous procure une visite au Jardin botanique. Pourquoi n'en profitez-vous pas plus souvent ? Et je prends part à votre plaisir quand vous me décrivez aussitôt vos impressions avec tant de vivacité et de couleur ! Oui, je connais ces merveilleux chatons du pin en fleurs, qui sont d'un rouge rubis. Ils sont d'une telle beauté, comme la plupart des plantes en pleine floraison, que l'on a peine à en croire ses yeux. Ces chatons rouges sont les fleurs femelles dont naîtront les grandes pommes de pin, si lourdes qu'elles retournent leurs pointes vers le sol. À côté se trouvent les chatons mâles, peu apparents, qui sont d'un jaune pâle et qui répandent leur pollen doré.

Je ne connais pas le « pettoria » que vous décrivez comme une sorte d'acacia. Voulez-vous dire qu'il a les feuilles pennées et des fleurs papilionacées, comme l'arbre que l'on nomme « acacia » ? Comme vous devez le savoir, l'arbre que l'on appelle vulgairement ainsi n'est pas un acacia, mais un « robinier ». Le mimosa, par exemple, est un véritable acacia ; il a des fleurs d'un jaune soufre et embaume l'air, mais je ne pense pas que le mimosa pousse en plein air à Berlin, car c'est une plante des pays chauds.
En Corse, j'ai vu sur la place d'Ajaccio de merveilleux mimosas qui fleurissaient au mois de décembre, c'étaient des arbres immenses... Ici, je ne peux malheureusement voir le feuillage des arbres que de loin, de ma fenêtre, et j'aperçois leurs cimes par-dessus le mur. J'essaie d'en deviner l'espèce par la forme et la couleur, et je crois que, dans l'ensemble, je ne me trompe guère.
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L'autre jour quelqu'un a apporté une branche cassée dont la forme étrange a surpris tout le monde. On s'interrogeait sur sa provenance. C'était une branche d'orme. Souvenez-vous, je vous ai montré dans la rue du Südende des ormes couverts de petits fruits d'un rose pâle légèrement verdâtre. C'était aussi au moi de mai, et vous avez été enthousiasmée par cet extraordinaire spectacle. Ici, les gens habitent depuis des dizaines d'années dans des rues plantées d'ormes, mais ils n'ont jamais observé ces arbres en fleurs... Et ils ne s'intéressent pas davantage aux animaux. Au fond, la plupart des citadins sont de véritables barbares... »
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(...)


Rosa Luxembourg
.Lettres de prison. Traduit par Michel Aubreuil. Éditions Bélibaste.
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